Quelle place occupe
l’intellectuel dans la société d’aujourd’hui ?
Aujourd’hui, il est difficile de définir le rôle de l’intellectuel dans les sociétés modernes et son image a changé avec le temps.
Le terme «intellectuel» dérive du latin «intellectualis», adjectif qu’en philosophie concerne l’intellect dans son activité théorique.
Aujourd’hui, l’intellectuel est l’une des figures les plus vitupérées avec celle de l’enseignant et du médecin. Des journaux, des réseaux sociaux, des talk-shows télévisés, afin de délégitimer ceux qui exercent la pensée, s’attaquent de plus en plus à celui qui souhaite réfléchir en profondeur sur un certain sujet.
Au XIIIe siècle, l’intellectuel participait activement à la vie politique de sa ville, occupait parfois des fonctions publiques, vivait intensément les tensions, les aversions, les conflits.
La production écrite de ce type d’intellectuel consistait en des œuvres visant principalement à diffuser la connaissance, c’est-à-dire à éduquer la conscience de ses concitoyens, à dénoncer, à transmettre les instruments culturels indispensables à la montée des nouvelles classes urbaines, prêtes à conquérir l’hégémonie économique et politique.
Parallèlement à l’intention éducative, l’intellectuel apportait alors dans sa production sa passion politique, son attachement à la ville, la défense de certains principes, dont le respect garantissait la survie de celle-ci.
A partir du XVIIIe siècle, les intellectuels qui avaient cru pouvoir établir les lois d’organisation et de développement de la société, trouvent refuge à la fin du XXe siècle, dans la théorie de la connaissance comme interprétation. Aujourd’hui, depuis quelques décennies, dans un horizon défini comme postmoderne, les intellectuels ont renoncé à être une élite qui juge, qui non seulement doit mettre au point des connaissances, mais aussi proposer des valeurs et des modèles sociaux. L’intellectuel n’est plus indépendant et on assiste à la marchandisation de la pensée. Les intellectuels, aujourd’hui, semblent vouloir disparaître de la scène, plonger dans l’anonymat et se rendre invisibles. Il est rare que les intellectuels réussissent à paraître menaçants. Je dirais encore plus, l’intellectuel de nos jours est craintif et asservi au pouvoir. L’intellectuel n’opposerait plus aucune résistance !
Nous sommes bien loin du «Manifeste des intellectuels» du 14 janvier 1898 signé par Émile Zola, Anatole France et Marcel Proust… qui définissaient «l’Intellectuel» comme un technicien du savoir pratique et la figure apte à combattre les préjugés de la société ! L’Intellectuel passait à l’action et il ne restait pas un pur individu pensant.
Quel intellectuel aurait-il de nos jours le courage d’écrire et publier un article comme le «J’accuse» d’Émile Zola, paru sur le journal «L’Aurore» sous forme de lettre envoyée au président de la République française Félix Faure, où il dénonçait le scandaleux verdict prononcé contre l’officier français Alfred Dreyfus, d’obédience judaïque, accusé injustement d’avoir livré des documents à l’Allemagne, sachant pertinemment que comme Zola, l’intellectuel pourrait s’exposer à des poursuites en justice?
Je me demande, pourquoi l’intellectuel d’aujourd’hui n’a plus ce courage, cette «inconscience» et cette envie de lutter contre le pouvoir politique et religieux ?
Pourtant, le monde intellectuel continue à se réclamer de certaines valeurs comme l’attachement à la vérité, usage de la raison, continuité dans les convictions et surtout indépendance d’esprit…
Les savants préféreraient-ils la célébrité à la vérité et au triomphe de la liberté ?